Université Mohammed BOUDIAF de M'Sila              Module : Introduction à la Didactique       

Faculté des Lettres et des Langues                                              Niveau : 3 ème  Année Licence

Département des Lettres et de Langue Française            Cours élaboré par Mme Bentounsi

                                                                                         

 

Plan du cours

1- La didactique : quelques notes sur son histoire

2- La didactique : éléments de définition

3- Les concepts fondamentaux de la discipline

4- Les objectifs de la didactique

 

1- La didactique : quelques notes sur son histoire

La didactique est une discipline qui remonte à l'Antiquité mais peu d'auteurs se sont arrêtés à ses origines à cette époque.

D'où vient le mot « didactique » ?  Quelle est son histoire ? Quelles sont ses différentes définitions. Quelle place occupe-t-elle au sein des autres disciplines ? Autant de questions qui nous interpellent, qui nous tiennent à cœur et qui exigent de nous une éventuelle prise en charge.

Les indications données à ce propos dans ce qui suit, donnent aux apprenants intéressés une première idée de la richesse du mot, qui a déjà une grande importance, surtout dans le domaine d’enseignement/apprentissage des langues.

 

 

1-1-Origines de la discipline

Il est difficile de préciser l’année de première utilisation d'un mot, comme c'est le cas pour celui qui nous intéresse « Didactica ». C'est en 1613 que ce mot apparaît pour la première fois dans un texte écrit, dans lequel deux élèves présentaient les propositions didactiques de leur maître.

Contrairement aux apparences, didactica est un mot inconnu en latin avant cette date et n'existait qu’en grec du verbe didaskein, sous une forme adjectivale didaktikos, qui a pour signification « qui est propre à instruire », qui veut dire : apte à l'enseignement, capable d'enseigner.

Dès son origine, didactica est donc un terme qui sert à désigner et à promouvoir une conception nouvelle de l'école, dont on peut résumer comme suit les principaux éléments : - L'école doit être indépendante de l'Eglise et soumise à des organes démocratiques étatiques.

-  Elle doit être accessible à tous, garçons et filles, et permettre aussi aux enfants pauvres de continuer leurs études jusqu'à l'Université, grâce à des bourses de l'Etat.

Le XVIIème siècle est effectivement celui de la « didactique » parce qu’il s’agit de réaliser concrètement les principes esquissés par les humanistes du 16ème siècle. Par son enthousiasme pour la transformation des êtres humains à travers l'enseignement et la formation, Comenius (éducateur tchèque) est le premier qui a élaboré des manuels de langue, dont le principal but était la structuration explicite de l’enseignement de la langue. 

Le XVIIIème siècle, par contre, est celui de la pédagogie et de l'éducation, plus axé sur l'individu. Le terme « didactique » disparaît, pour ne réapparaître qu'à la charnière du XVIIIème au XIXème siècle à nouveau, désignant une discipline dépendant de la théorie pédagogique de l'éducation et qui définit les règles techniques de l'enseignement.

 A partir de cette époque, plusieurs modèles didactiques concurrents se développent durant les années soixante et aboutissent à l'établissement d'un champ autonome dans le domaine des Sciences de l'éducation : certains mettent l'accent plutôt sur le choix des contenus nécessaires à enseigner ; d'autres insistent sur la définition des méthodes en fonction des objectifs, des contenus et plus généralement des conditions socioculturelles de l'enseignement ; d'autres encore sont construits autour de la participation de tous les membres du système didactique à la définition des contenus et des méthodes.

Les didactiques générales sont des modèles théoriques intégrant tous les facteurs qui influencent l'enseignement/apprentissage dans un cadre essentiellement scolaire, à savoir : contexte social, objectifs généraux de l'enseignement, contenus, rapports enseignant-enseigné, méthodes d'enseignement. Elles sont prescriptives, c'est-à-dire qu'elles définissent des règles pour l'élaboration des objectifs, pour le choix des contenus, pour la planification de l'enseignement, pour la gestion de la classe.

Les didactiques des disciplines quant à elles étaient traditionnellement conçues comme une application des principes généraux de la didactique dans une discipline scolaire particulière. Depuis une quinzaine d'années, on assistait à une autonomisation croissante de ces didactiques. Elles acquièrent de plus en plus un statut scientifique propre, aidées par la réflexion très développée et par l'institutionnalisation poussée de la didactique générale.

2- La didactique : éléments de définition

D’une définition générale de la notion comme étant la science qui s’intéresse aux aspects liés à l’enseignement, plusieurs didacticiens et bien d’autres spécialistes se sont intéressés à la notion avançant ainsi un large éventail de définitions, l’orientant chacun selon ses axes d’intérêts. Nous retenons ci-dessous quelques-unes.

Dans le Dictionnaire des concepts clés de Pédagogie (1997: 107) les auteurs soulignent que la didactique « renvoie à l’utilisation de techniques et de méthodes d’enseignement propres à chaque discipline », raison pour laquelle une distinction entre « la didactique des langues » de « la didactique des mathématiques » de « la didactique des sciences naturelles » et bien d’autres s’avère obligatoire, parce que les méthodes et/ou les techniques d’enseignement de chacune des disciplines sont différentes et dépendent directement des contenus à enseigner. En somme, chaque matière à enseigner, chaque discipline a sa propre didactique, c’est ce qu’on appelle « la didactique de la discipline », puisque ce terme n’est pas propre seulement aux langues.

Afin que l’enseignement et l’apprentissage de chacune de ces disciplines scolaires soit plus rentable, il semble nécessaire et naturel de se demander comment en améliorer les résultats. Dans ce cas précis, la didactique serait d’un apport considérable et permettrait d’optimiser les processus d’apprentissage.

Pour ce faire, il s’agit de mettre en exergue un ensemble de procédures pour sélectionner, analyser et organiser les savoirs et savoir-faire. Ces derniers feront l’objet d’actions à l’intention d’un public, en fonction de diverses situations.   

La didactique est donc une discipline de recherche qui analyse les contenus (savoirs) pour les transformer en contenus à enseigner, qui à leur tour seront transférés en tant qu’objets d’enseignement et d’apprentissage.  C’est cette focalisation sur les contenus et sur la relation enseignement-apprentissage qui donne à la didactique son caractère spécifique en tant que discipline.  Néanmoins, elle ne se contente pas de traiter la matière à enseigner mais pose comme condition nécessaire la réflexion sur la nature du savoir que l’enseignant aura à enseigner et la prise en compte des représentations de l’apprenant par rapport à ce savoir épistémologique.

L’épistémologie en tant qu’ « étude de la connaissance, qui questionne les modalités de la recherche scientifique » peut se conduire selon deux axes : celui de Piaget ou celui de Bachelard.

- Le premier axe rassemble les épistémologues qui tentent de répondre à la question : « Comment un individu acquiert-il toutes ses connaissances tout au long de son développement ? ». C’est les pédagogues qui s’intéressent à cette question et essaye d’y répondre.

- Le second axe rassemble les épistémologues qui cherchent à proposer des réponses quant à la question : « Comment se développent les connaissances dans un tel domaine particulier ou dans différents domaines du savoir ? ».

 

3- Les concepts fondamentaux de la didactique

Toute réflexion ou acte didactique se rapporte à des concepts fondamentaux tels que : la transposition didactique, le triangle didactique, le contrat didactique, les objets (moyens) d’enseignement, les conditions d’appropriation des savoirs et l’intervention didactique.

3-1- La transposition didactique 

Cette notion a été proposée pour la première fois par Michel Verret en 1975dans le domaine de la Sociologie. Puis, elle a été reprise par plusieurs auteurs dont Yves Chevallard en 1985 dans le champ de la didactique des mathématiques, qui dit : « tout objet social d’enseignement et d’apprentissage se constitue dialectiquement avec l’identification et la désignation de contenus de savoirs comme contenus à enseigner ».

Cette notion permet de rendre compte «  du passage d’un contenu de savoir précis à une version didactique de cet objet de savoir ». A cet effet, on distingue deux phases ou une double transposition. La première phase concerne la transposition du « savoir savant » issu de disciplines de référence en un « savoir à enseigner ». Une seconde phase transpose « l’objet à enseigner » en « objet d’enseignement » dans le contexte de la classe.

Lorsque le savoir à enseigner subit des  transformations adaptatives qui vont le rendre apte à prendre place parmi les objets d’enseignement,  on appel cette adaptation « transposition didactique ».

3-2- Le triangle didactique

La didactique est une discipline qui articule trois pôles dont chacun représente une problématique qui doit être travaillée de façon autonome.

- Le pôle « Savoirs ».

- Le pôle « Elèves ».

- Le pôle « Enseignant ».

1- Le pôle Savoirs représente l'élaboration didactique qui consiste à recueillir, à sélectionner, à organiser et à analyser les savoirs savants susceptibles de conduire aux buts et aux finalités du système éducatif. Ces savoirs seront transformés et construits en objets d'enseignement établis dans un programme 

2- Le pôle Elèves ou Apprenants constitue tout ce qui est relatif à l'appropriation des savoirs, ce sont alors les théories de l'apprentissage qui sont mises en jeu.

3- Le pôle Enseignant englobe tout ce qui est relatif à l'intervention didactique, qui consiste en l'explicitation des objectifs, c'est la mise en place des stratégies d'enseignement : adaptation du programme à la classe, organisation du travail en projets ou autres, la progression selon les classes et les niveaux.

Selon Jean-Maurice Rosier (2002 : 108) : le schéma récapitulatif peut être présenté de la manière suivante :

                                                                   SAVOIRS

                                                              (Transposition)

              ENSEIGNANT                                                                         APPRENANT

               (Formation)                                                                                 (Contrat)

Ce schéma montre la centration sur les contenus, les savoirs qui sont en relation directe avec l'enseignant, dont la tâche consiste à connaitre, à maitriser les contenus à enseigner. Le deuxième pôle met l'accent sur l'apprentissage, il relie les savoirs à l'apprenant au sein de l'espace « classe ». La relation enseignant-apprenant est primordiale, elle relève du contrat didactique.

Ces trois éléments jouent un rôle important dans les choix pédagogiques voire même méthodologiques :

- En ce qui concerne le pôle « Savoirs » : prendre en considération l’utilisation ou non de la langue par l’apprenant, présence ou absence de la langue dans son milieu familial ?  degré de connaissances théoriques, linguistiques ou autres ?  maîtrise des particularités et savoir-faire.

- Concernant le pôle « Apprenant » : il s’agit de prendre en considération, en plus de tous les paramètres cités, son âge, son niveau homogène ou hétérogène par rapport à ses camarades de classe, l’état de sa classe mixte ou non, en plus du nombre des apprenants.

- Concernant le pôle « Enseignant » : il s’agit d’identifier son âge, sa formation, son expérience, qu’il soit natif ou non, son degré de connaissance de la langue ou de l'objet à enseigner.

Cependant, il faut noter que le schéma qui récapitule la relation entre les trois pôles est à insérer dans une situation d'enseignement-apprentissage précise, reliant plusieurs facteurs : temps, lieu, durée, rythme, programmes, qui restent déterminatifs dans la réussite ou l’échec du processus d’enseignement/apprentissage.

3-3- Le contrat didactique

Pour qu'elle ait une chance de succès, la médiation suppose entre la partie apprenante et la partie enseignante un projet commun. En classe de langue, le projet commun d'appropriation entre les deux parties est appelé contrat didactique.

Dans le cas de la classe, l'enseignant et les apprenants sont liés par un contrat explicite ou implicite d'enseignement et d'apprentissage qui garantit, si les clauses du contrat sont respectées par chacun, que les échanges dans la classe se passeront sans difficulté majeure. Il s'agit donc de l'espace des interactions entre les différents acteurs d'une situation de classe : quelles régulations ?quelles contraintes ?quelles déterminations ?

Mais les études sur l'interaction ont montré que le contrat didactique est aussi présent hors des situations d’enseignement-apprentissage proprement dites : il existe aussi dans les cas de communication exolingue comme par exemple entre un natif et un apprenant étranger.

Cette notion de contrat didactique qui garantit est définit par Y. Reuter (2007: 59 ) comme : « (...) l'ensemble des régulations et de leurs effets, reconstruits à partir des interactions entre enseignants et élèves, issus de la situation et liés aux objets de savoirs disciplinaires mis en jeu dans cette situation. ».

En réalité, ce contrat légitime les statuts, les rôles, les attentes de chacun. C'est une négociation dont le but est de procéder à des ajustements qui constitueront une base à l’objectif finale.

4- Les objectifs de la didactique

L’enseignement /apprentissage des langues étrangères n’est pas seulement d’acquérir un savoir mais d’acquérir également un savoir-faire qui se caractérise par la capacité à communiquer avec autrui, autrement-dit comprendre et se faire comprendre. La didactique des langues s’intéresse à deux champs distincts mais complémentaires :

- Le savoir linguistique : règles et éléments de fonctionnement de la langue exemple : la phonétique, le lexique, la grammaire, la sémantique, etc.

- La compétence communicative : Philippe Blanchet explique dans son livre intitulé, Introduction à la complexité du français langue étrangère, publié en 1998 qu’il est vrai que la connaissance des structures linguistiques est une condition nécessaire mais la compétence linguistique à elle seule ne suffit pas pour communiquer, il souligne que : « le savoir théorique » sur la langue ne garantit aucunement « la possibilité de communiquer ». Il s’agit en effet des savoir-faire pour agir, interagir et acquérir des actes de communication et leur appropriation dans une telle ou telle situation de communication.

Etant donné que la didactique est une discipline « d’action et d’intervention » selon Jean-Maurice Rosier (2002 :101), son objectif principal est donc de doter l’apprenant des savoirs et des savoir-faire pour qu’il puisse agir dans et avec la langue étrangère, l’enseignant, en l’occurrence, joue le rôle de facilitateur pour modéliser l’objet d’enseignement pour que l’apprenant s’approprie des savoirs langagiers et culturels aussi bien en classe et en dehors de celle-ci.

En effet, les objectifs de la didactique selon le Cadre Européen Commun de Référence au cours de ces dernières décennies sont les suivants :

- Faire acquérir des savoirs linguistiques : règles et éléments de fonctionnement de la langue.

- Avoir des objectifs communicatifs qui visent à développer des compétences en langue étrangère dans le but de favoriser la communication dans le contexte quotidien.

- Avoir des objectifs interculturels, dans ce cas l’apprentissage d’une langue étrangère ne sert pas uniquement à la communication quotidienne, mais il aide aussi l’apprenant à mieux comprendre les différents modes et mentalités dans la vie, de se faire une idée sur les natifs de la langue cible.